Le train de nuit, oui mais à quel prix ?

Le train de nuit a fait son grand retour il y a quelques temps après un long déclin (voir notre post de 2020 : Le train de nuit, c’est reparti !) et de nouvelles lignes arrivent chaque année à grand renfort de promotion médiatique. Si les avantages du train de nuit ne sont plus à présenter (gain de temps, économie d’une nuit sur place, bilan carbone), quelle est la réalité de l’offre actuelle et surtout quel prix faut-il être prêt à mettre ? Des éléments de réponse dans cet article à travers quelques exemples.

Autriche et Allemagne

Paris-Vienne est le premier train de nuit international à avoir fait son retour il y a trois ans. Avec un certain succès. L’offre est cependant limitée : 3 trains par semaine et 6 voitures par train : 2 voitures de places assises, 2 voitures couchettes (4 ou 6 par compartiment) et 2 voitures-lits (1, 2 ou 3 lits par cabine). Le train dessert Munich, Rosenheim Salzbourg, Linz et St Pölten depuis Paris ou Strasbourg.

[Mise à jour du 27/06/2024] : Pour cause de travaux, les trains de nuit Paris-Vienne et Paris-Berlin sont suspendus du 12 août au 26 octobre 2024.

Depuis le 12 décembre 2023, des voitures supplémentaires ont été ajoutées pour desservir Berlin, Halle et Erfurt. Le train est scindé pendant la nuit après le passage de la frontière. Les deux trains sont opérés par les Chemins de fer autrichiens (ÖBB) mais les billets sont aussi vendus sur différents sites en plus de celui d’ÖBB comme DB ou The Train Line. Le site SNCF Connect ne vend temporairement plus de billets internationaux depuis le 23 mai à l’exception des trains Eurostar, Lyria et des TGV Inoui transfrontaliers (Italie, Espagne, Luxembourg, Belgique, Suisse et Allemagne, y compris les ICE transfrontaliers).

Compte tenu de la capacité et de la fréquence des trains pour relier des grandes capitales, les places sont rares… et chères. Quelques exemples pour le mois de juillet sur les deux relations :

La semaine du 15 juillet, il ne reste plus que des couchettes à 139,90 € ou des places assises à 94,90 € le 18 juillet. Les autres trains sont complets

Un peu plus de choix pour Berlin la même semaine mais des couchettes uniquement le 16 juillet à 154,90 €…

En comparaison, on peut trouver des offres beaucoup plus économiques en train de jour, à condition de scinder la recherche en deux pour avoir les meilleurs tarifs. Exemple sur Paris-Vienne : Paris-Munich, puis Munich-Vienne le 18 juillet sur le site de DB :

Paris-Munich le 18 juillet

Munich-Vienne le 18 juillet

On peut donc trouver des trajets de jour pour moins de 100 €, avec 2 correspondances et en prenant le temps d’un bon déjeuner à Munich ! Si vous savez vous occuper dans le train en lisant, travaillant, regardant un film ou tout simplement le paysage, le train de jour peut donc être une option plus confortable et plus économique. La différence de prix peut alors couvrir la nuitée dans une chambre en dortoir de 6 dans une auberge de jeunesse qui sera aussi plus confortable qu’une couchette… Seules conditions donc : avoir le temps et avoir de quoi s’occuper.

Même constat pour Paris-Berlin en imposant dans les critères de recherche une correspondance à Francfort (pour éviter l’Eurostar qui est plus cher) :

Paris-Berlin via Francfort le 16 juillet

On peut donc payer moins de la moitié du prix en train de jour (par rapport à une couchette) si on accepte de passer 9 heures en train… La différence de prix peut ici couvrir une nuit d’hôtel sur place!

Le train Paris-Vienne en gare de Salzbourg

En France, les Intercités de nuit

Si on reste en France, la situation est plus nuancée. Prenons l’exemple de Paris-Nice à la même période.

Paris-Nice le 16 juillet :

Sur le site The Train Line (les prix sont les mêmes sur SNCF Connect), le prix du trajet en couchette dans un compartiment de 6 est de 5 € inférieur au TGV :

Paris-Nice le 18 juillet :

Le 18 juillet, le prix est sensiblement plus élevé en train de nuit : 125 € en couchette contre 75 € en TGV Ouigo ou 93 € en TGV Inoui.

À noter que les Cartes Avantage SNCF sont valables pour les TGV et les trains Intercité de nuit, ce qui permet d’avoir 30% de réduction selon les conditions. Et pour les jeunes qui optent cet été pour le Pass Rail à 49 €, les voyages en train Intercité (de jour comme de nuit) sont à 0 € ! Il faudra s’acquitter d’un supplément couchette à 19,50 € si on veut profiter d’une couchette en compartiment de 6.

Les lignes Intercité de nuit se sont étoffées ces dernières années. Voici un aperçu :

Intercités de nuit
source : SNCF Voyageurs

Toutes les informations sur la page Voyagez de nuit du site de la SNCF.

Venise en train de nuit

Jusqu’en 2020, la compagnie Thello, filiale de Trenitalia reliait Paris à Venise toutes les nuits. Mais le Covid a eu raison de cette ligne et elle n’a pas rouvert après la pandémie. La startup Midnight Trains ambitionnait de faire revivre la ligne avec un service beaucoup plus haut de gamme que celui de Thello. Mais Midnight Trains a fini par jeter l’éponge récemment et il n’y a aujourd’hui aucune perspective à moyen terme pour la renaissance de cette ligne.

Si vous habitez l’Île de France ou le Grand Est (ou plus loin pour les plus motivés), il existe une possibilité de prendre un train de nuit à Stuttgart. Le train des Chemins de fer autrichiens ÖBB part tous les soirs à 20h29 de la capitale du Bade-Wurtemberg pour arriver à Venise à 8h34 le lendemain. Stuttgart est à 3h10 environ de Paris et 1h20 de Strasbourg en TGV.

Mais le charme de traverser la lagune au petit matin et la vue du Grand Canal en descendant les marches de la gare de Santa Lucia ont un prix : même si les prix commencent à 54,90 € pour une couchette sur le trajet Stuttgart-Venise, il est difficile de trouver des places à moins de 100 €, même en s’y prenant plusieurs mois à l’avance. Ajoutez à cela le train jusqu’à Stuttgart (compter au minimum 40 € au départ de Paris) et le trajet atteint facilement les 150 €…

Pour l’Italie également, les alternatives de jour sont beaucoup plus économiques : on peut trouver un Paris-Milan autour de 50 € en TGV. Jusqu’à l’automne, seule la SNCF propose cette liaison une fois par jour avec une partie du trajet en car à cause de l’éboulement de la vallée de la Maurienne qui bloque toujours le trafic. Gageons que les 5 liaisons par jour de la SNCF et Trenitalia seront de retour une fois les travaux terminés. Quant au trajet Milan-Venise, on peut trouver des billets à partir de 15 €. Il faut en revanche accepter de passer la journée dans le train.

La gare de Venise Santa Lucia

En résumé, le choix de voyager en train de nuit est comme souvent une question de temps et d’argent ! Si vous dormez bien en train et que vous n’êtes pas fait pour les longs trajets de jour, le train de nuit est la solution idéale. C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles les enfants plébiscitent ces trains (en plus de l’expérience de dormir dans un train). Mais les billets sont souvent plus chers que les trains de jour, même quand on y ajoute le prix d’une nuit dans un hôtel simple ou dans une auberge de jeunesse en dortoir.

Espérons que les lignes de trains de nuit continueront à se multiplier dans les années à venir et surtout qu’elles bénéficieront de subventions publiques dans le cadre des politiques nationales et européennes de réduction des émissions de CO2. Le train de nuit est difficilement rentable du fait des contraintes qui lui sont particulières : voitures plus chères, nombre de places limité, personnel plus nombreux et travaillant de nuit, immobilisation des voitures pendant la journée, etc. Ce n’est que grâce à une volonté politique qu’il pourra se développer et proposer des prix plus démocratiques. En France, le collectif Oui au train de nuit s’emploie à le promouvoir auprès des collectivités locales et des instances nationales et européennes.